Horloge Astronomique de Ploërmel
Après l’Horloge Astronomique de Beauvais, voyage en Bretagne à Ploërmel où l’on trouve une autre Horloge Astronomique plutôt originale. Construite par un membre des Frères de l’Instruction Chrétienne (Frère Bernardin) dans le cadre de cours de Mathématiques, cette horloge repose sur des mécanismes astucieux de tiges et rouages connectés à une horloge. Sur 10 cadrans, on peut y voir les phases de la lune, des calendriers solaires et lunaires, y découvrir une carte du ciel et apprendre l’équation du temps. Avec à côté une formidable maquette du mouvement des planètes autour du soleil.
De notre envoyé spécial, Jean-Paul Meyronneinc (textes et photos, avec le concours de Geoffrey, pour les photos sur la vue d’ensemble des cadrans, le mécanisme de l’horloge et le système planétaire). Les informations figurant dans cet article sont issues de la présentation vidéo et de l’ouvrage «Horloge du Frère Bernardin», édité par la Maison Mère des Frères.
Sommaire :
- Un peu d’histoire
- Construction de l’horloge
- Les 10 cadrans de l’Horloge
- Quelques précisions techniques
- Le système solaire de l’Horloge
I) Un peu d’Histoire
Ploërmel est située au sud-est de la Bretagne entre Rennes et Vannes La ville marque la limite de la fameuse forêt de Brocéliande, cœur des légendes mythiques bretonnes autour de Merlin et de la Fée Viviane. Nous sommes dans les années 1820. Jean-Marie de la Mennais crée les Frères de l’Instruction Chrétienne avec pour objectif de diffuser un minimum d’instruction et de savoir aux « enfants du peuple et des campagnes ». Il rayonne alors sur les 5 départements bretons et ouvre plusieurs écoles ouvertes à tous. La maison mère est installée à Ploërmel.
Quarante ans plus tard, la congrégation gère près de 300 écoles et s’est implantée dans les territoires ultramarins (Guadeloupe, Martinique, Sénégal, etc.). Elle délivre alors ses enseignements à 26 000 élèves encadrés par 850 enseignants. A Ploermel, les Frères développent également des enseignements spécifiques autour des techniques agricoles et de l’hydrographie. L’un d’entre eux, Frère Bernardin (Gabriel Morin dans le civil,1812-1876) va suivre les préceptes, leçons et conseils de Joseph Queret, ancien professeur de Mathématiques à l’Université de Montpellier. Il devient alors le référent en mathématiques et publie un « Traité d’arithmétique à l’usage des maîtres », des leçons d’algèbre et d’arithmétique élémentaire et des exercices d’hydrographie.
II) La construction de l’horloge
En prolongement de l’approche théorique de ses cours et leçons, il cherche un moyen pédagogique de les illustrer par la pratique. Passionné d’astronomie, il décide donc de mettre au point une horloge astronomique. La conception et la construction va s’étaler sur 5 ans, de 1850 à 1855.
Il conçoit alors les plans et réalise les calculs préalables de toutes les pièces nécessaires (cadrans, roues, systèmes d’entraînement, tiges, poids). 200 roues dentées seront nécessaires à l’ouvrage. Chaque pièce sera faite en laiton.
Pour sa réalisation, il va mettre lui même la main à la pâte et s’appuyer sur les jeunes frères et apprentis présents au sein de l’établissement d’instruction de Ploërmel.
Et au cours de cette période de réalisation, lui et son équipe décidèrent d’ajouter à l’horloge un système planétaire. L’ensemble sera installé en mai 1855 dans la salle des cours. L’horloge sera démontée en 1874 en raison de travaux, puis remontée par un autre frère en 1878 et placée dans un kiosque en 1895 (le même depuis lors).
Ensuite, en application de la loi sur la séparation de l’Église et de l’État (1902), les Frères durent quitter leur bâtiment et l’horloge fut mise aux enchères (prix au poids du métal). Mais fort heureusement aucun acquéreur ne se présenta. Elle a été révisée deux fois : en 1920 et en 1982. Elle est classée Monument Historique depuis 1982.
III) Les 10 cadrans de l’Horloge
L’horloge se compose de 10 cadrans différents, chacun ayant une fonction spécifique.
Cadran n°1 :
C’est une horloge à l’heure solaire. Elle montre les heures, les minutes et les secondes. Il est ici 8h30 au soleil (10h30 à la montre en heure d’été).
Cadran n°2 :
C’est un calendrier mensuel. L’aiguille blanche indique le jour de la semaine. Elle avance de manière continue. L’aiguille jaune indique la date du mois et avance une fois par jour (par saccade). Ici on est le vendredi 11. Les jours à 28, 29 ou 30, l’aiguille blanche est ajustée à la main.
Cadran n°3 :
C’est un calendrier lunaire. Les pastilles correspondent aux phases de la lune (noire pour la nouvelle lune ; blanche pour la pleine lune et les deux quartiers). L’aiguille blanche indique le mois de l’année, la saison avec la constellation zodiacale correspondante. L’aiguille jaune indique le nombre de jours du cycle lunaire (0 pour la nouvelle lune). Ici on est au mois d’avril et 14ème jour du cycle lunaire.
Cadran n°4 :
L’aiguille jaune, calée sur l’horloge solaire, est tournée vers le soleil dont elle suit le mouvement apparent. Elle tourne donc dans le sens inverse des aiguilles d’une montre et fait le tour du cadran en 24h.
Les deux plaques (lever et coucher du soleil) montent et descendent tout au long de l’année. La pointe indique l’heure du coucher ou du lever. L’aiguille jaune passe sous la plaque coucher à l’heure du coucher et réapparaît à l’heure du lever.
L’aiguille blanche représente l’équation du temps et indique, pour chaque jour, la différence entre la durée réelle du jour (horloge solaire) et la durée moyenne des jours (celle de nos montres). Cette différence (± 17 mn) est due au mouvement elliptique de la révolution de la terre et à son obliquité.
Cadrans n°5 et 6 :
Les cercles extérieurs indiquent les heures relatives du soleil dans les différents pays du globe.
Il n’y a pas d’aiguille. Chaque cadran tourne en 24h et est découpé en fuseaux horaires (réels).
Le cadran (représente l’hémisphère nord et le 6 l’hémisphère sud).
Cadran n°7 :
Il donne les positions respectives de la terre, de la lune et du soleil et indique donc les phases de la lune.
L’aiguille jaune indique le soleil et l’aiguille blanche la lune. La terre est au centre. Lorsque les deux aiguilles sont à l’opposé, c’est la pleine lune. Si elles sont l’une sur l’autre c’est la nouvelle lune. Lorsque l’angle est de 90° entre les deux aiguilles c’est le premier ou dernier quartier.
Cadrans n°8 et 9 :
Il s’agit d’une carte du ciel centrée sur les pôles Nord et Sud.
Les cadrans tournent en 23h56mn (jour sidéral). Celui du haut symbolise les constellations de l’hémisphère Sud et celui du bas celles de l’hémisphère Nord.
La plupart des constellations actuelles sont dessinées (en 1855, les constellations « officielles » de l’UAI n’ont pas encore été normées).
Les étoiles les plus brillantes ont été indiquées (Arcturus, Vega, Sirius, Procyon, etc.).
Le liseré blanc qui est au bord des plaques plastifiées indique la limite des étoiles visibles et invisibles à Ploërmel. La ligne blanche circulaire sur les deux cadrans représente l’écliptique.
Cadran n°10 :
Il s’agit d’un cadran mixte, d’une part donnant la déclinaison et ascension droite du soleil (les deux graduations extérieures) et d’autre part, faisant office de calendrier séculaire (les deux graduations intérieures).
L’aiguille jaune indique, en fonction du jour, la déclinaison (graduation tout à l’extérieur, qui va de 0, pour les jours des équinoxes à ± 23,27 pour les jours des solstices). Sur la deuxième graduation, on a l’ascension droite qui va de 0 à 24 (à multiplier par 15 pour avoir les °). Elle fait le tour du cadran en un an.
L’aiguille blanche indique les années (elle fait un tour en un siècle) et l’aiguille noire les siècles (elle fait le tour en 1000 ans). On retiendra pour l’anecdote que cette horloge séculaire court jusqu’en … 2700.
IV) Quelques précisions techniques
Le système d’horlogerie repose sur le mouvement d’un unique pendule. Le poids de l’horloge doit être remonté chaque matin ainsi que les quatre poids du système des cloches qui sonne les heures et les quart d’heures (et trois fois par jour .. le carillon de l’angelus).
Frère Bernardin n’était pas horloger (contrairement à ceux qui ont construits les horloges de Beauvais et Besançon), mais mathématicien.
Tout part d’un système central positionné au centre du kiosque. De ce système partent trois tiges. La première est reliée au cadran n°1 (horloge solaire) et fait un tour par minute. La seconde est reliée aux cadrans 5 et 6 et fait un tour en 24h. La troisième est reliée aux cadrans 8 et 9 et fait un tour en 23h56mn.
Le système central est composé d’une vingtaine de roues dentées permettant le passage de l’axe qui fait un tour par minute aux deux autres axes. Ainsi pour passer à l’axe qui fait un tour en 24h (1440 minutes), Frère Bernardin a conçu 12 roues reliées entre elles par des binômes de roues. L’axe d’une minute est connectée à une roue de 20 dents qui va se cranter à une roue de 80 dents. On a donc un coefficient multiplicateur de 4. La roue de 80 dents est reliée par tige à une roue de 16 dents qui va se cranter à une roue de 80 dents et donc générer un coefficient multiplicateur de 5. Et ainsi de suite avec des binômes de 72/24, 90/45, 90/30 et 120/30. On obtient un coefficient multiplicateur de 1440.
L’axe qui fait un tour en 23h56 (1436 mn) et relié à l’axe précédent par 8 roues, mais avec des effets réducteurs.
Le mécanisme central avec :
1 – La tige qui fait un tour par minute
2 – La première roue de 20 dents
3 – La seconde de 80 dents
Etc….
4 – La deuxième tige (un tour en 24h)
5 – La troisième tige (un tour en 23h56)
Ces deux axes font fonctionner les cadrans 5-6 (heure dans tous les pays du monde) et 8-9 (carte du ciel) à l’aide de roues de 94 dents.
Les autres cadrans et aiguilles sont tous reliés aux cadrans 5-6 par un jeu de roues dentées. Ainsi, l’aiguille blanche du cadran 2, qui indique les jours de la semaine va se voir appliquer un coefficient réducteur de 7. On part de la roue à 94 dents. On a ensuite une roue à 60 dents crantée à une roue à 120 dents reliée par tige à une roue de 36 dents crantée à une roue de 126 dents. Donc 60/120 * 36/126 = 1/7. Et ainsi de suite.
Le système de rouages ainsi que le plan complet des rouages. Permettant de passer des cadrans 5-6 (un tour en un jour) au cadran 2 (un tour en 7 jours pour l’aiguille blanche et un tour en 28 jours pour l’aiguille jaune).
V) Le système solaire de l’Horloge
Le système solaire tourne à vitesse réelle
Le système de l’horlogerie entraîne aussi avec lui un système solaire tournant à vitesse réelle. Ce système est située de l’autre côté des cadrans.
En son centre on a le Soleil qui tourne sur lui même en 25 jours. Puis on trouve Mercure, Vénus (en axes fixes), la Terre, Jupiter avec ses 4 lunes galiléennes qui tournent en temps réel, Saturne, avec quelques uns de ses satellites (mais en axes fixes) et Uranus.
Manque à ce système solaire Neptune car découverte en 1886 par Le Verrier, plus de 30 ans après la construction de l’Horloge
Principe de fonctionnement :
L’entraînement du soleil est le commencement du principe de fonctionnement de ce système solaire.
1 – L’axe qui fait tourner le soleil (25,416667j) est relié à l’axe qui fait un tour en 24h à l’aide de pignons coniques jouant un effet multiplicateur (39/13*50/15*61/24).
Ensuite, à l’aide roues dentées jouant un effet multiplicateur, chaque planète est placée sur un axe qui va tourner autour du soleil en fonction de sa durée de révolution.
2 – Ainsi pour passer à la révolution de Mercure, 4 roues sont nécessaires (48/24*45/26). On a un coefficient multiplicateur de 3,4615. Appliqué à la rotation du soleil (25,416667) on obtient 88 jours.
Ainsi de suite …
La Terre et la Lune :
La Terre est en plan incliné. Un axe la fait tourner sur elle même en 23h56 mn et elle tourne autour du soleil en 365j 1/4. Elle est accompagnée de son satellite, la Lune, avec des rouages qui lui font faire le tour de la Terre en 27j et 8h (révolution sidérale).
Photo extraite de l’ouvrage Ploërmel, Horloge du Frère Bernardin.
Jupiter et ses 4 lunes :