Titan et le projet Dragonfly

Audrey Chatain, chargée de recherches au CNRS (Laboratoire Atmosphères, Milieux, Observations Spatiales) a présenté Titan et le projet Dragonfly lors des dernières Rencontres du Ciel et de l’Espace. Titan est la principale lune de Saturne. Et depuis qu’elle a été visitée par la sonde Huygens, elle intrigue les scientifiques. A tel point qu’une sonde devrait atterrir à sa surface en 2034.

Par Jean-Paul Meyronneinc, sur la base des informations fournies par Audrey Chatain lors de la conférence donnée aux RCE (11/11/2024).


Saturne, bien connue pour ses anneaux, dispose aussi, on l’oublie souvent, d’une myriade de lunes. Comme Jupiter. On en identifie près de 150, dont une soixantaine ont reçu un numéro ainsi qu’un nom officiel. Ces lunes sont faites de roches et de glace d’eau. La plus importante, Titan, a été découverte en 1655 par l’astronome Christian Huygens. Une dizaine a ensuite été découverte par des observations faites à partir de la terre. Les autres ont été identifiées lors du survol des sondes Voyager (1980) et Cassini (2005) et grâce à de nouvelles générations de télescope (notamment ce qu’on appelle les lunes externes, situées à des millions de kms de saturnes) .

Le nom de Titan fait référence à la première génération des dieux grecs. Les Titans sont fils de Gaia (la Terre) et Ouranos (le Ciel). Le fils le plus célèbre, celui qui détrônera son père en l’émasculant est Cronos (Saturne en latin). Le nom de Titan n’a donc pas été choisi par hasard. A noter par ailleurs que nombre des lunes de Jupiter portent des noms de Titans ou de Titanides : Rhea (l’épouse de Cronos et mère de Jupiter), Japet (père d’Atlas, d’Epiméthée et de Prométhée), Téthys (épouse d’Océan), Hyperion (père d’Hélios, Séléné et Eos), Phebé (mère de Leto).


Une atmosphère avec du méthane :

Revenons d’abord à notre lune Titan. C’est, après Ganymède (lune de Jupiter), la deuxième lune la plus importante en terme de taille. Elle a un diamètre de 5150 kms, un chiffre qui la rapproche de la taille de Mercure.

Suivie de près dès les années trente, l’existence d’une atmosphère est avérée en 1944 grâce à l’astronome Kuiper, qui, à l’aide d’un spectrographe à prisme, identifiera le diazote (N2) comme composant principale à 98 % et le méthane (CH4) comme composant secondaire. Par la suite, on détectera également dans cet atmosphère du di-hydrogène (H2) et des hydrocarbures (C2H2, C2H4 et C2H6). C’est donc un environnement particulièrement sympathique qui donne à l’atmosphère de Titan une couleur jaune orangée due à des réactions chimiques déclenchées par les rayons ultra-violets. La sonde Voyager 1 a permis de d’identifier l’épaisseur de cette atmosphère : plusieurs centaines de kilomètres, une situation unique pour une lune du système solaire.

La connaissance de Titan s’est accélérée en janvier 2005, par la sonde Huygens, qui avait été larguée de Cassini (sonde qui a analysé Saturne de 2004 à 2017), avec pour mission spécifique d’explorer l’atmosphère et la surface du satellite. Huygens est arrivée sur la surface en 2,5h de trajet sans encombres, dans une zone de sables et et de roche. De cette descente et exploration, on a pu imaginer que Titan avait des points communs avec la Terre : on y a vu des dunes, des plaines et des montagnes, des lacs et des rivières (surtout au niveau des pôles), des nuages et de la pluie, une pression quasi identique à celle que nous connaissons.

Mais derrière ce paysage, une réalité plus cruelle : la température au sol est de -180°, la surface est glacée et les nuages qui se constituent près du sol sont faits de méthane. Il y pleut donc du méthane et les rivières et les lacs sont constituées de ce même composant chimique. Lequel s’évapore pour permettre de reconstituer des nuages de méthane. C’est comme notre cycle de l’eau, mais avec du CH4.

Titan et le projet Dragonfly
Photo prise par la sonde Huygens lors de sa descente (ESA-NASA).

La mission Dragonfly sur Titan en 2034 :

La sonde Huygens n’ayant pas révélé tous les mystères de Titan (compositions du sol, morphologie des lacs et rivières, processus géologique, volcanisme), une nouvelle exploration est prévue, la mission Dragonfly, sous l’égide de la NASA. Elle est le fruit de travaux menés par l’APL (Applied Physics Laboratory) de l’Université John Hopkins (Maryland), en partenariat avec plusieurs laboratoires européens (dont le LAMOS du CNRS). Sa préparation est un sacré défi : plusieurs centaines d’ingénieurs et de scientifiques multiplient les modèles sur ordinateur et les expériences au laboratoire pour tenter de reproduire au mieux les conditions sur Titan.

Concrètement, Dragonfly ressemblera un peu à la partie Ingenuity de la mission Persévérance. On aura une sorte de drone doté d’instruments scientifiques, capable de prélever des échantillons. En raison de la densité de l’atmosphère de Titan, la descente se fera de manière directe. Une fois atterri, il pourra commencer ses prélèvements et analyses. Et ensuite, se déplacer sur d’autres sites d’exploration (dans un rayon de 175 kms). La conduite de ce drone sera paradoxalement plus facile que celle d’Ingenuity. Sur Titan, l’atmosphère est 1,5 fois plus épaisse que sur terre, ce qui nécessitera des petites pales. Et la gravité y est 7 fois inferieure, ce qui demandera peu de puissance (11 fois moins que sur terre).

Le Drone de la mission Dragonfly (vue d’artiste).
Vue d’artiste.
Largage de Dragonfly.

Reste maintenant le calendrier. La fusée emportant Dragonfly doit partir en 2028. Elle arrivera six ans plus tard, en 2034, deux ans après le solstice d’hiver sur Saturne. Elle sera donc sur Titan à la même phase que Huygens (rappelons que la révolution de Saturne est de 29 ans), ce qui permettra des comparaisons plus faciles. D’ailleurs le lieu retenu est quasiment le même que celui où a atterri Huygens.

La mission est prévue pour une durée minimale de 2,7 ans. Mais les batteries de Dragonfly pourront lui donner une durée de vie estimée à 8 ans maximum..

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